
Beni : Les femmes confrontées à l’infertilité, cibles des moqueries dans la communauté
À Beni, au Nord-Kivu, le débat sur la fertilité des couples revient souvent dans les conversations. De nombreuses femmes sont malheureusement traitées de tous les noms si, par malheur, elles ne parviennent pas à donner naissance à un enfant plusieurs années après leur mariage. Dans la communauté, c’est surtout elle la fautive.
« Après plusieurs tentatives, je n’arrivais toujours pas à tomber enceinte. Mon mari, déçu et influencé par ses proches, m’a mise à la porte avant de se remarier. Je suis restée seule face aux insultes dans la communauté », se souvient Rachel (nom d’emprunt), une jeune femme d’une trentaine d’années qui a été mise à la porte par son mari après six ans de mariage en raison de son infertilité.
Dans de nombreuses sociétés, les femmes sont directement associées à la procréation. Selon plusieurs coutumes bantoues, la femme idéale est celle qui est capable de concevoir. Ainsi, lorsqu’un couple ne parvient pas à avoir d’enfants, la femme est davantage blâmée et marginalisée pour cette cause. Cependant, il y a lieu de se questionner si cette attitude de la communauté est-elle justifiée ? Les femmes qui ne peuvent pas concevoir méritent-elles d’être blâmées ?
Les facteurs qui contribuent à l’infertilité
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit l’infertilité comme l’incapacité d’un couple à concevoir et à mener une grossesse à terme après un an ou plus de rapports sexuels réguliers non protégés.
Il existe trois types d’infertilité :
-L’infertilité abaissée : qui correspond à un retard ou une difficulté à avoir un enfant.
-Infertilité primaire : définie comme l’incapacité d’un couple à avoir un premier enfant.
-Infertilité secondaire : désigne la difficulté d’un couple à avoir un autre enfant lorsqu’il en a déjà conçu un ou a subi un avortement.
« Il est difficile d’établir les causes directes de l’infertilité chez les femmes, mais certains facteurs y contribuent », a pour sa part déclaré Aimé Mamusesa, infirmier au centre médical Nyakunde à Beni. « Les trompes de Fallope bouchées à cause d’IST non ou mal traitées, les avortements criminels, ou les perturbations hormonales », sont aussi des éléments qui peuvent conduire à l’infertilité chez la femme. Cependant, l’infertilité touche également les hommes, poursuit-elle. « L’insuffisance ou la malformation des spermatozoïdes dans le sperme, ainsi que le dérèglement d’hormones comme la testostérone, peuvent également rendre un homme incapable de procréer ».
Quand certaines personnes traduisent l’infertilité d’une femme par une vie antérieure de débauche
Malgré toutes les informations que les professionnels de la santé peuvent fournir, certaines personnes de la communauté ont encore tendance à considérer l’infertilité comme une punition infligée à une femme qui a vécu dans la débauche et provoqué plusieurs avortements.
« Elle s’est débarrassée de plusieurs grossesses, et une fois mariée, Dieu la prive d’être mère », a déclaré Joseph Muhindo, étudiant de deuxième année à l’université officielle de Semuliki à Beni, questionné par Coongorassure.cd sur le sujet. Pour Joseph, « l’infertilité est une punition pour les femmes qui ont provoqué plusieurs avortements pendant leur jeunesse ».
Contrairement à ce jeune homme, Charline Wakine, militante des droits de l’homme et promotrice des droits des femmes, affirme que la communauté devrait soutenir les personnes confrontées à l’infertilité plutôt que de les culpabiliser. « L’infertilité d’une femme ou d’un homme ne doit pas être l’occasion de nuire au bien-être d’autrui. Blâmer ou imputer à une femme le simple fait qu’elle ne peut pas concevoir est une grave erreur. Cela provoque la stigmatisation, qui est une violence émotionnelle », déplore-t-elle. Selon cette militante, « la communauté est appelée à soutenir et à accompagner, et non à rejeter, les personnes confrontées à l’infertilité ».
Que faire face à l’infertilité ?
Il a été constaté que les préjugés que certaines personnes entretiennent à l’égard des femmes qui ne parviennent pas à concevoir proviennent essentiellement de l’ignorance des causes de l’infertilité.
Pour les couples, « Il est donc conseillé de s’informer auprès de professionnels de santé, après plusieurs examens, ils détermineront les facteurs à la base et envisageront un traitement, car ces facteurs diffèrent d’une personne à l’autre », a conseillé l’infirmière Aimé Mamusesa.
Elle ajoute qu’ « il est également recommandé aux jeunes filles et garçons de se soumettre à des examens médicaux réguliers et de ne pas s’auto soigner en cas d’IST, car ces maladies, lorsqu’elles sont mal traitées, deviennent des facteurs de risque élevés qui conduisent à l’infertilité ».
L’infertilité touche aussi bien les femmes que les hommes et a de nombreuses causes. Rassurez-vous, certains cas peuvent être traités par les spécialistes. Aussi, lorsqu’un couple est dans l’incapacité totale de concevoir (stérilité), il est parfois conseillé de recourir aux méthodes plus particulières comme la fécondation in vitro. Pourquoi ne pas envisager également l’adoption pour les cas les plus complexes et intraitables ?
Nicole Lufungi, Beni