
Malgré un nouveau cadre légal ambitieux, la République démocratique du Congo peine toujours à convertir son immense richesse minière en progrès tangible pour sa population. Un expert appelle à des réformes structurelles profondes pour enfin briser le cycle de l'extraction brute.
L'adoption du code minier révisé en 2018 avait suscité de grands espoirs : une meilleure captation de la rente minière et une redistribution plus équitable des richesses issues du sous-sol congolais. Pourtant, six années plus tard, le constat est amer. Les revenus générés par l'exploitation minière restent instables, la transparence des contrats demeure un défi, et la transformation locale des ressources est encore marginale.
Pour Chryso Awila, docteur en gouvernance des ressources minières et chercheur à l'Université Nouveaux Horizons de Lubumbashi, le problème ne se limite pas à des aspects juridiques. Il souligne un blocage structurel qui nécessite une refonte en profondeur de la gouvernance du secteur.
Selon cet expert, quatre réformes majeures sont indispensables pour initier un véritable changement :
La création d'un Fonds souverain minier : Ce mécanisme permettrait de centraliser et de sécuriser une part significative des revenus miniers pour financer des projets d'infrastructures, soutenir la diversification économique et garantir des ressources pour les générations futures.
La scission du Ministère des Mines et la création d'un Ministère dédié à la Géologie : Cette séparation optimiserait la gestion des données géoscientifiques, renforcerait la connaissance du sous-sol congolais et améliorerait la maîtrise nationale des ressources.
L'établissement d'un Centre national d'intelligence minière : Cet outil stratégique serait chargé de collecter, d'analyser et d'anticiper les informations clés du secteur minier, en lien avec les marchés mondiaux, la recherche, la fiscalité et la lutte contre la fraude.
L'instauration d'une École spéciale de gouvernance minière : Cette institution formerait une élite technique et administrative compétente, capable de réguler efficacement le secteur minier en tenant compte des enjeux géopolitiques et environnementaux contemporains.
Chryso Awila insiste sur le caractère réaliste et visionnaire de ces propositions. À l'heure où la demande mondiale pour les métaux critiques explose avec la transition énergétique, la RDC, premier détenteur mondial des réserves de cobalt et acteur majeur du cuivre, ne peut plus se contenter d'être un simple extracteur de matières premières.
Un changement de paradigme est impératif : transformer les richesses minières en véritables leviers de souveraineté, d'industrialisation et de justice sociale. Cela requiert une gouvernance solide, des institutions modernisées et une volonté politique inébranlable.
"Avoir le code ne suffit pas, il faut les outils pour l'appliquer et les compétences pour le piloter", conclut Chryso Awila.
La RDC n'a pas besoin de copier des modèles existants, mais de les adapter à sa propre réalité. Elle a l'opportunité de forger sa propre voie : celle d'une puissance minière non plus subie, mais pleinement maîtrisée.
Daudi Amin